Déambulation historique dans Cordon

Posé sur un coteau ensoleillé face au Mont-Blanc, le village de Cordon se découvre au terme d’une route un peu farouche, tout en lacets. Si proche des emblématiques stations de Megève et Chamonix, Cordon semble vouloir se dérober aux yeux du visiteur pressé et préserver pudiquement ses atouts. Il faut dire qu’ils sont nombreux : un panorama incomparable sur le Mont-Blanc, un environnement paisible mais surtout un caractère historique qui fait l’âme du village. L’attrait pour le ski et les loisirs de montagne s’exerce ici comme partout ailleurs en Pays du Mont-Blanc. Mais Cordon, ce n’est pas seulement cela. L’économie agropastorale y est dynamique. Le commerce et l’artisanat y sont bien vivants, tout comme l’esprit communautaire qui anime le village. Pour qui sait prendre son temps et se montrer curieux, les témoignages de l’Histoire sont ici partout : dans la lecture du paysage, dans le patrimoine bâti et dans les savoir-faire qui perdurent. Pour tout m’expliquer, je retrouve Roselyne, résidente de Cordon depuis 40 ans et guide du patrimoine Savoie Mont-Blanc.

Sur les traces des tailleurs de pierre

C’est un bond de 30 000 ans en arrière que Roselyne me propose de faire au début de notre déambulation dans le village. Nous voici rendues en pleine glaciation, lorsque les glaciers déposent d’énormes blocs de granite à Cordon et partout dans la vallée de l’Arve. À l’état brut, ces blocs granitiques de plusieurs tonnes ont presque tous disparu de nos jours. Roselyne m’apprend qu’ils ont été intensément exploités et transformés au milieu du 19e siècle, par des tailleurs de pierre originaires du Piémont. Appelés à la rescousse par le roi Charles-Albert, ces « graniteurs du Mont-Blanc » avaient reçu pour mission de reconstruire les villes de Sallanches et de Cluses dévastées par un incendie. À l’époque, leur habileté est réputée par-delà les Alpes et ne se cantonne pas à la reconstruction : ces remarquables tailleurs ont aussi façonné des bassins, pressoirs, oratoires, pierres tombales, croix de chemin et linteaux. Aujourd’hui encore, leur souvenir est partout dans les rues et sur les façades des maisons de Cordon.

Les maisons traditionnelles : témoins de la vie d’antan

C’est justement auprès des maisons les plus anciennes du village que Roselyne me conduit à présent. Une centaine d’habitations datant du 18e siècle ont été répertoriées à Cordon. La doyenne date tout de même de 1696 ! Roselyne me fait observer que ces maisons traditionnelles sont toujours rassemblées près des sources et des fours à pain. De même, elles ne se déparent jamais de leur grenier. En cas d’incendie, ces petits mazots protègent les biens les plus précieux de la famille : les denrées alimentaires, mais aussi le linge du dimanche et les actes de propriété. Grâce aux explications de Roselyne, je comprends que l’agencement des maisons n’est pas anodin. Il révèle la pénible lutte des montagnards pour la survie :

  • Des charpentes solides capables de résister à 7 mois d’hiver,
  • L’étable dans les soubassements pour nourrir le bétail sans avoir besoin de sortir,
  • La cheminée appelée « boerne » pour déshydrater et conserver la viande de porc,
  • Ou encore le balcon sur la façade Est, pour faire sécher les feuilles de hêtre destinées à la litière des animaux.

De récits en discussions, l’après-midi passe à toute allure. Mon guide Roselyne aime son village et cela se ressent. Elle sait restituer, non sans une certaine émotion, toute la ténacité dont les Cordonnants ont dû faire preuve au fil des siècles pour déjouer les embûches d’un climat extrême et d’une montagne hostile. C’était avant l’essor du tourisme et les années glorieuses du ski. C’était il n’y a pas si longtemps, finalement. Et cette Histoire-là est encore bien vivante à Cordon.

Ma petite info en +

Au cours de la découverte des maisons traditionnelles de Cordon, Roselyne ne manquera pas d’attirer votre attention sur les larges avancées de toit. En dessous, des éléments obliques appelés « contrefriches » présentent d’étranges gravures. Dans un français approximatif, on y lit le plus souvent le nom du charpentier ou du propriétaire, la date de construction et quelques maximes religieuses vouées à protéger la maison et ses habitants. Ces contrefriches gravées constituent un élément unique du patrimoine local : à Cordon, on en dénombre pas moins de 754 !

Article rédigé par Nelly Orand - ©ScrivaCom

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