Dans les coulisses de la station de Cordon
À peine arrivée, je m’installe quelques instants en terrasse et profite d’un panorama fascinant sur la chaîne du Mont-Blanc et des Aravis. En cette journée de février, sous un ciel dégagé, la station de Cordon révèle tout son attrait de carte postale.
Cordon : une station familiale (et ce n’est pas qu’une expression)
J’observe autour de moi : au premier plan, quelques enfants expérimentent les joies de la luge. Tout près, un groupe de jeunes s’essaye au snow-board sous la conduite d’une monitrice bienveillante. Un peu plus loin, les skieurs slaloment avec aisance face à des paysages ouverts et peu fréquentés. C’est une journée idéale pour skier. Et la station de Cordon fait plaisir à tout le monde : les pistes sont à la fois accueillantes pour mettre en confiance les débutants, et techniques pour réjouir les chevronnés. L’expression « station familiale » prend tout son sens à Cordon. Ici, pas de foule compacte aux remontées et le tutoiement est facile. Quant à Patrick, directeur du domaine skiable depuis 2002, il connaît les habitués par leur prénom. Patrick est à la fois manager, technicien polyvalent et nivoculteur : la neige de culture n’a aucun secret pour lui. Il m’emmène ce matin découvrir le fonctionnement de la retenue collinaire et des canons à neige.
Comprendre l’enjeu de la neige de culture
Au départ, je dois bien l’avouer, j’avais quelques appréhensions à explorer les coulisses d’une station de ski. Et pour cause : je sais que l’utilisation des canons à neige fait débat depuis longtemps et qu’elle agite les partisans d’une montagne plus écologique. Justement, les explications de Patrick m’ont aidée à démêler le vrai du faux et à comprendre qu’à Cordon, tout a été pensé pour préserver le cycle de l’eau. Tout d’abord, rappelons que l’installation des enneigeurs résulte du réchauffement climatique : les températures augmentent, le taux d’enneigement diminue et l’épaisseur de neige ne suffit plus, saison après saison, à sécuriser le front de neige. Alors à Cordon, comme dans la grande majorité des stations de moyenne altitude, les canons pallient le manque de neige par un procédé mécanique. Sur le domaine, 32 enneigeurs ont été installés. L’enjeu : continuer d’accueillir les skieurs et préserver l’emploi, en attendant que de nouvelles pratiques plus résilientes émergent.
La culture de la neige à échelle raisonnée
Patrick tient à parler de neige de culture, et pas de neige artificielle car aucun additif ni adjuvant n’intervient dans le processus de fabrication. En effet, les enneigeurs brumisent de l’eau sous pression. Grâce aux températures hivernales, les gouttelettes retombent au sol sous la forme d’un brouillard givrant. De l’eau, du froid et un peu d’énergie. Au final, c’est tout ce qu’il faut pour produire de la neige de culture dont les cristaux sphériques ressemblent à des cristaux de sucre. Quant à l’eau, elle n’est pas prélevée dans les nappes phréatiques ni dans les cours d’eau. À Cordon, la retenue collinaire de 4 300 m3 récupère le trop-plein d’un réseau d’eau potable. Ordinairement, ce trop-plein serait rendu à la nature. Par gravité, il s’écoule dorénavant dans la retenue collinaire et sert à alimenter les enneigeurs. L’eau est restituée à son milieu, lors de la fonte. Son prélèvement est donc temporaire.
Et demain ?
Je comprends qu’à Cordon l’économie du ski est importante, mais qu’elle ne se fait pas à n’importe quel prix. Les canons ne fonctionnent pas en continu et sont positionnés seulement aux endroits les plus stratégiques, en bas de la station. Ce qui n’empêche pas de s’interroger sur l’avenir : à terme, comment les stations alpines de moyenne altitude pourront-elles se reconvertir en dépit du manque de neige ? Comment pourront-elles sortir d’une logique tout-ski ? Des questions importantes que l’on ne peut pas occulter et que Patrick aborde avec tout le bénéfice de sa longue expérience. Une visite qui fait réfléchir !
Ma petite info en +
La station de Cordon est la plus petite du pays du Mont-Blanc, et c’est un atout : loin du tumulte, elle offre un terrain de jeu tranquille avec ses 11 pistes tous niveaux. Côté forfait, pas d’emballement non plus : ils restent accessibles aux familles.
Article rédigé par Nelly Orand - ©ScrivaCom